Cet article tente de répondre au défi lancé par Salomé du blog La Cavalière Blonde, sur le thème « Si j’étais un cheval » :
Aujourd’hui pour cette édition de la cavalcade des blogs, j’ai voulu que tous les cavaliers se mettent pour quelques lignes à la place de leur cheval. Choisissez une situation vécue avec votre équidé et racontez-la du point de vue de votre cheval. « Penser cheval » a dit un jour un grand maître, c’est le moment de mettre cela en application !
Pour se faire, je vais me glisser à l’intérieur de la peau d’un poney que j’ai particulièrement affectionné, qui se nomme Caf’et Crem’. C’est donc lui, qui s’exprimera dans le « je » de ce texte.
Penser « cheval » quelques instants…
Je suis petit, vif, enjoué, rapide et agile.
J’ai 18 mois passés, et vient de quitter les vertes prairies de l’Allier ou j’ai grandi jusque maintenant, pour rejoindre les poneys de Gaëlle, qui ne sont pas du tout sympa avec moi. Le pire étant le chef de la bande : Ernest. Il m’agresse même lorsque je ne bouge pas et reste dans mon coin.
L’intégration est difficile, mais elle me montre ainsi que je ne peux pas toujours décider de ce que je fais. Jusque là j’avais mené les deux vieilles comtoises par le bout des naseaux et vécu en petit roi, adulé de ses dames !
Gaëlle m’a expliqué que les comtoises allaient partir et que le domaine serait bientôt vendu, que je ne pouvais pas rester là bas. Elle avait d’ailleurs déjà récupéré tous les autres équidés. Elle paraissait à la fois contente de nous avoir près d’elle au quotidien, mais à la fois triste de nous imposer une vie moins confortable et agréable que sur ces grands espaces de l’Allier où nous pouvions galoper sur de longues distances sans tourner en rond le long d’une clôture.
Effectivement l’hiver a été pénible. La cohabitation complexe, puisque je suis tout de même un petit mâle, et qu’il y a aussi juments et pouliches à la maison. Les shetlands sont plutôt odieux avec moi, alors que nous pourrions nous amuser ensemble, nous gratter l’encolure ou le garrot. Ce n’est pas très rigolo de les supporter tous les jours.
Le seul à venir vers moi est Randy, car il n’est pas vraiment bien intégré dans le groupe et je vois bien qu’il cherche aussi un ami. Cela tombe drôlement bien !
Il pleut beaucoup, et nous n’avons plus accès aux extérieurs. Je trouve le temps long et morose.
Gaëlle nous explique à tous, souvent, qu’elle aimerait nous emmener ailleurs, où nous pourrions aller vivre dehors. Ici, nous n’avons pas le droit de sortir beaucoup, car il ne faut pas abimer les terrains qui ne lui appartiennent pas. Je vois bien qu’elle est malheureuse aussi de nous voir enfermés de longues heures dans les stabulations, ou arpenter la cour de long en large, à défaut de mieux, les jours où celle-ci n’est pas trop boueuse.
La plupart de mes compagnons (les grands chevaux surtout) se démusclent énormément et deviennent vilains à regarder, la colonne apparente.
Je n’ai pas ce souci là et suis plutôt du genre à profiter du peu de nourriture que je trouve. Je ne suis pas un croisé de poney shetland pour rien !!
Certains chevaux ont le droit de faire des jeux dans la cour avec Gaëlle et JF à tour de rôle. Ils ont l’air de s’amuser tous ensemble à relever des challenges toujours différents : franchir une passerelle, des bouteilles vides, des labyrinthes, un couloir ‘effrayant’ et étroit, jouer avec un ballon, un drapeau, un cerceau etc. Randy m’explique que c’est de l’horse agility et qu’il en ferra aussi un jour, Gaëlle le lui a dit…
Et moi ? Pourquoi personne ne me le dit ? J’aimerai jouer aussi !!! J’observe avec intérêt tous les entraînements, en rêvant de pouvoir y participer bientôt…
Un jour je n’en peux plus, alors que Gaëlle me rentre dans l’écurie, je montre une évidente mauvaise volonté à me porter en avant. Je veux rester jouer aussi dans la cour !! Mon attitude bornée suffit à décider ma partenaire de rester dans la cour pour m’apprendre quelques règles qu’elle nomme respect et bonnes manières !
Peu m’importe je suis dans la cour et je peux jouer avec elle, c’est tout ce qui compte ! En lui montrant que je suis très réceptif à ses demandes elle semble surprise et heureuse. La communication s’établit rapidement entre nous deux. Elle me dit que demain je vais faire le sujet d’un article de son blog… J’ignore ce que c’est, mais je m’applique pour ne pas la décevoir, car je sens que c’est important, tant pour elle que pour moi !
Un jour les shetlands sont inquiets, ils discutent de vente d’équidés…
Gaëlle leur a dit qu’elle ne pouvait plus nourrir et entretenir tout le monde dans de bonnes conditions et qu’elle préférait nous vendre, pour nous savoir plus heureux ailleurs. Je ne comprends pas tout, mais je saisi que cela à l’air grave, vu l’état d’anxiété des poneys avec qui je partage la grande écurie.
Évidemment que je regrette les grandes étendues où je vivais l’été dernier, mais d’un autre côté je ne m’amusais avec personne à résoudre des défis d’horse agility… Pour bien faire il faudrait les deux ! Voilà la solution que je soumets aussitôt à mon amie ; mais elle me dit que c’est impossible à l’heure actuelle, pour elle de nous offrir cela… Il y a des choses humaines que nous ne comprenons pas, nous poneys.
Puis des gens viennent nous voir de temps en temps. Certains semblent s’y connaître, et d’autres absolument pas, ce qui n’augure rien de bon pour nous autres équins. Gaëlle nous apparaît comme découragée, elle ne cesse de nous demander pardon de ne pouvoir nous offrir mieux que ce que nous avons pour vivre.
Certes nous ne pouvons gambader dans de grands espaces, mais nous ne sommes pas non plus, enfermés dans des petites boites individuelles : nous pouvons bouger, jouer, nous rouler dans nos écuries que nous partageons à plusieurs.
Nous sortons tous les jours plusieurs heures, sur une parcelle dite « sacrifiée », ou brouter de l’herbe dans le chemin, ou jouer dans la cour. Malgré tout la situation semble pesante pour notre partenaire humaine, qui ne trouve pas de solutions.
Un matin, de jeunes gens s’intéressent à Idanha. Ils aiment les animaux et disposent de grands prés. Le camion emmène la jument vers sa nouvelle maison où elle sera plus heureuse, en compagnie d’une petite ponette qui trouvait le temps long, seule. Gaëlle et JF sont tristes au fond d’eux, mais ils ne le montrent pas. Nous équins, le savons, car nous ressentons ces choses là. Mais je suis content pour mon amie Idanha, qui est ravie de courir à nouveau au milieu des herbes et buissons de sa nouvelle demeure.
Ici la vie se poursuit, avec un hiver pluvieux et boueux qui n’en fini pas. Gaëlle aime beaucoup jouer avec moi en horse agility. Elle n’est pas toujours très claire, mais je comprends vite le but de chaque défi, et je m’applique à lui montrer comme je peux être un excellent partenaire de jeu ! Nous allons même participer ensemble à notre première épreuve ! J’ai trouvé cela stressant d’être filmé, car tout le monde s’agace un peu, et s’est moins agréable que d’habitude. Je préfère lorsque l’on n’est pas filmé, et que tout est naturel, c’est bien plus sympa…
Voici la vidéo de mon premier concours, comme disent les humains !
Gaëlle et moi prenons beaucoup de plaisir réciproque à jouer ensemble, bien que nos séances soit à la fois rares et brèves. Mais elles sont toujours riches, intenses et passionnantes. Nos progrès sont visibles et je vois bien que Gaëlle est particulièrement fière de ma collaboration.
Voici en image ce que je sais faire en si peu de temps ; en fait c’est pas si compliqué à réaliser, lorsque l’on est attentif !!
JF filme l’un de nos parcours d’horse agility. Nous sommes sereins et tout va bien. Tellement bien que j’apprendrais plus tard que nous avions gagné cette épreuve…
Ce midi, un gros camion entre dans la cour. Le chauffeur et Gaëlle viennent nous voir, avec mon camarade du même âge. L’homme nous juge rapidement du regard, en connaisseur, puis échange avec ma partenaire qui ne sourie plus du tout.
Un licol sur la tête, nous devons monter à l’intérieur du camion où attendent d’autres chevaux ; facile ! Un défi de plus à relever qui ne m’impressionne pas du tout. La porte se referme sur nous deux et les autres chevaux, et je ne vois plus Gaëlle. Je ne panique pas parce que j’ai appris à avoir confiance, mais j’hennis tout de même pour dire que je suis là, dans cette boite qui roule et qui s’éloigne de chez moi.
Je vis maintenant dans un grand pré en compagnie d’autres poneys et poulains, en attendant qu’un humain décide de s’intéresser à moi et de m’acheter… Puisque nous autres équins sommes des biens marchands que l’on échange, ou que l’on vend. J’ai appris que Gaëlle avait tenté de négocier pour que je revienne avec elle, mais que l’homme au camion ne semblait pas d’accord, visiblement satisfait de la bonne affaire qu’il avait alors réalisée…
Depuis cet événement qui nous a tous marqué, Gaëlle est triste, et elle n’a plus jamais joué avec les autres chevaux dans la cour. Je trouve cela dommage car ils aimaient bien, eux aussi s’amuser à relever les défis.
Alors si ma condition de poney me permet de formuler un souhait, ce serait :
« que cette épreuve que j’ai remporté en horse agility ne reste pas aux oubliettes et qu’elle soit la première de nombreuses autres victoires à venir pour mes ex-compagnons, camarades et partenaires de jeux ».
Parce que je suis naturellement
un petit poney gai, enjoué, vif et amusant,
qui vit dans le présent uniquement.
6 Responses to Penser « cheval » quelques instants…