Avril 2013, ma ponette Orleans (prononcer Orline’s) est à terme et je la surveille régulièrement pour voir l’avancée de la gestation et prévoir la mise bas qui chaque jour, chaque heure, approche inexorablement un peu plus !
Rejet des poulains
C’est déjà son troisième poulinage, mais l’adoption a toujours été un peu délicate à chaque fois, voire même particulièrement compliquée avec le premier poulain. Ce doit être son tempérament à la base de ne pas être maternelle. Par contre une fois le poulain adopté et reconnu, elle ne le lâche plus, et s’en occupe parfaitement bien jusqu’à ce qu’il soit en âge d’être sevré.
Les deux premières fois elle a pouliné seule au box, malgré notre surveillance, et à rejeté le bébé à chaque fois. Pour le troisième j’espère être plus efficace et être présente lors de la mise bas, pour analyser ce comportement étrange, et tenter de le limiter pour le bien-être du petit.
L’adoption « forcée »
Pour la survie du nouveau-né, il faut être assez rapide et présent afin de le sécher pour le réchauffer en activant sa circulation sanguine, puisque la mère s’en désintéresse totalement, et l’ignore. Puis il faut l’aider à se lever et le guider vers les mamelles d’une maman peu consentante…
Autant dire que le métier d’éleveur présente parfois de grands moments de solitude face à une nature qui dis-fonctionne, sans que l’on ne connaisse ou comprenne la raison de tel comportement.
Imposer son propre poulain à la mère semble illogique et c’est pourtant le challenge qu’il faut réussir pour le bien être et la tranquillité de tout le monde !
Voilà un peu pourquoi je suis légèrement fébrile à l’annonce de ce poulinage imminent !
On le serait pour moins.
Les signes précurseurs de la mise bas
Bien souvent, mais pas obligatoirement, on note des changements chez la jument pour qui le moment tant attendu approche.
- Elle s’isole du groupe dans lequel elle vit, si elle est en prairie
- Elle peut sembler agitée ou malade (tourne en rond, se couche, se lève, regarde son ventre, gratte de l’antérieur, transpire, etc)
- Elle change physiquement (ventre qui « descend », croupe qui s’affaisse, vulve qui s’allonge, pis avec de la cire ou du lait qui s’écoule, etc.)
Tous les jours (et même plusieurs fois par jour) j’observe Orleans à la recherche de certains signes et d’informations plus précises. Elle est au pré derrière la maison, avec une autre poulinière déjà suitée, ce qui facilite grandement une surveillance discrète depuis les fenêtres !
Organiser la surveillance
Il est impossible d’être H 24 sur la jument à regarder si elle change ! Ce serait invivable, tant pour elle que pour nous !
Avec Anne-Sophie ma colocataire, chacun regarde au passage devant l’une des ouvertures donnant sur le pré en question. Tous les soirs, tard, je sors faire un ultime examen de la future maman, afin de savoir si je peux m’endormir sereinement ou non ! Mon amie se lève tôt et prend le relais pour me prévenir en cas de nécessité.
Le nombre d’heures nocturnes sans surveillance est donc réduit à 4 ou 5 seulement, et en cas de doute lors de ma dernière visite, je resterai veiller.
Ce soir là, tout est calme, Orleans et Idanha se reposent debout côte à côte, avec à leur pieds la pouliche Dikwa qui dort de tout son long dans l’herbe. Les juments sont paisibles, la nuit est déjà très fraîche, presque froide, et je vais apprécier la chaleur et la douceur de ma couette pour quelques heures de sommeil. Il est déjà 1h30 du matin, et j’ai encore veillé pour rien…
Il manque le poulain !
Anne-Sophie entre dans ma chambre aux aurores, pour me dire que la jument à pouliné, mais qu’elle n’a pas aperçu de poulain. Des fenêtres on ne voit pas tous les recoins du pré et encore moins lorsque le jour est à peine levé !
Effectivement Orleans à mis bas, et traine encore sa délivrance derrière elle. Par contre aucune trace d’un poulain auprès d’elle… Je fais le tour de la clôture pour entrer. Le jour se lève, il fait froid avec une belle gelée, et je me demande ce qu’elle a fait du poulain cette fois ci… La ponette va bien et ne montre aucun signe d’inquiétude contrairement à moi qui commence à imaginer divers ‘scénarios catastrophes’ dignes de grands metteurs en scène ! Elle me réclame à manger, mais cela attendra bien un peu, que l’on retrouve le fœtus d’abord.
Inspection du pré
Je commence par vérifier le long de la clôture du bas, que le poulain n’ai pas roulé en dessous, malgré la faible pente. Rien. J’inspecte aussi l’abri, rien non plus de ce côté là. Le pré n’est pas non plus immense, et je suppose des tas de trucs à la vitesse de l’éclair. C’est curieux comme le cerveau humain peut diffuser des données plus ou moins pertinentes selon les situations.
C’est en remontant le pré en direction d’Idanha et sa pouliche, que le doute m’assaille. Il ne fait pas assez clair pour bien distinguer d’où je suis, alors je hâte le pas. C’est un réveil tonique ce matin !
Je n’avais pas prêté correctement attention au premier coup d’œil, mais le poulain sous la mamelle de ma jument n’est pas Dikwa… C’est le rejeton rejeté d’Orleans et Dikwa est couché dans l’herbe aux pieds de sa mère !
C’est un petit mâle ; il est debout, vivant, et il tête une autre mère… Il est encore humide, et doit être né depuis environ 2h ; Si Idanha ne s’était pas occupée de lui en plus de sa fille, il serait mort de froid dans l’herbe mouillée et gelée de ce petit matin d’avril…
Forcer le destin
Chaque problème possède sa solution, même si la mise en œuvre ne semble pas toujours facile ou évidente au premier abord !
– Orleans est rentrée dans la grande écurie ; elle a perdu sa délivrance en cours de route, je m’occuperai ensuite de voir si elle est complète. Chaque chose par ordre de priorité ! Ses mamelles sont gorgées de lait et de colostrum indispensable à la protection immunitaire du poulain, ce qui est déjà un bon point. Elle a toujours eu beaucoup de lait les fois précédentes.
– Il faut maintenant reprendre le poulain à la mère adoptive, et le rapporter à sa vraie mère pour forcer un peu l’adoption…
Idanha n’est pas tout à fait d’accord sur le principe, et va hennir toute la matinée à la recherche de son « deuxième » bébé !
– Quant à Orleans elle ne comprend vraiment pas pourquoi forcer le destin en lui rendant « son » poulain, puisque l’autre s’en occupait fort consciencieusement…
Tout est bien qui fini bien !
Au bout d’à peine quelques heures les choses seront rentrées dans l’ordre :
Orleans protègera son petit, comme si de rien n’était et Idanha retrouvera sa tranquillité en ne gérant que sa progéniture !
Vive l’élevage, et vive Idanha sans qui petit poney ne serait plus de ce monde…
Plus de peur que de mal ce matin là !
Cet article est ma contribution au festival « La Cavalcade des Blogs« , organisée ce mois-ci par Natalia, du blog La gazette d’un petit poney, et dont le thème lancé est « Plus de peur que de mal« .
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