Cet article participe au festival de La Cavalcade des Blogs, carnaval d’articles que j’ai lancé sur cheval-facile, lors de l’ouverture de cette première édition de décembre 2013.
Tout le monde peut y participer, les règles sont très simples et disponibles ICI.
Le thème en cours est :
« Votre meilleur souvenir avec les équidés »
Notre dernier TREC
Le TREC (Technique de Randonnée Équestre en Compétition) est une discipline par essence plutôt discrète, puisque se déroulant dans la nature sur un parcours inconnu du plus grand nombre des participants. Discipline peu médiatisée, elle gagnerait pourtant à être connue et reconnue à ses justes valeurs que sont polyvalence, calme et réactivité pour le cheval, persévérance, à propos et méthodologie pour le cavalier.
J’ai pratiqué cette discipline pendant une douzaine d’années, dont 10 ans au meilleur niveau. Même si j’ai cessé de concourir en raison de divergences d’opinions avec les responsables fédéraux, je n’en garde pas moins d’excellents souvenirs sur la plupart des épreuves auxquelles j’ai pu participer.
J’ai eu la chance de pouvoir finir ma saison 2008, en niveau Pro, sur le célèbre TREC du brame, aux haras des Bréviaires. C’est une épreuve incontournable où tout le monde se précipite pour s’inscrire chaque année ! Ne résidant pas dans cette région, nous avions voyagé la veille, avec notre cavalerie, nos élèves, et les indispensables accompagnants. Les chevaux étaient logés dans les grands boxes de la station des haras, et nous, chez l’habitant, à quelques pas des écuries.
Vu le nombre de participants, les épreuves débutaient de bonne heure, soit au lever du jour. Certains partaient sur le parcours d’orientation en pleine nature, alors que d’autres allaient prendre le départ du parcours en terrain varié, sur le site de la manifestation. Le tirage au sort m’avait attribué l’un des premiers numéros de dossard et je n’allais donc pas voir grand monde sur mon parcours !
Il fait nuit encore lorsque je rentre dans ce lieu sacro-saint que l’on nomme « salle des cartes », pour prendre connaissance et recopier l’itinéraire que je dois réaliser aujourd’hui avec mon cheval. La carte IGN de la forêt de Rambouillet est pleine de couleurs et le tracé est difficile à copier. Je me concentre sur les détails, et pour le reste je trace au fluo large, ça ira bien. Le temps en salle des cartes est compté, il faut faire vite, mais surtout il faut faire bien ! Vérifier toutes les biscouettes, comme on dit dans notre jargon (= facéties du traceur, pour vérifier la perspicacité des concurrents), contrôler les annotations et tracer mes kilomètres sur le parcours, pour ne plus toucher à ma carte ensuite.
Olivo m’attend sagement dans son box, sellé et bridé prêt pour l’aventure. Il sait que l’on part se promener quelques heures et cela lui plait. Il n’est pas difficile comme cheval, il aime en général tout ce que je lui propose, tant qu’il ne faut pas sauter trop souvent, ni trop haut. Il n’a absolument rien du cheval idéal pour le TREC, puisque c’est un pur-sang qui a échappé à une carrière sur hippodrome, grâce à la faillite de l’élevage l’ayant vu naître. Mais Olivo c’est mon cheval, celui avec lequel j’ai toujours envie de me surpasser ; celui qui m’a choisi, et non l’inverse.
Je le rejoins. Dans l’écurie, je profite de l’éclairage des boxes pour peaufiner les derniers réglages. Dehors le jour se lève à peine et la lampe frontale est indispensable pour regarder la carte. Il fait frais, pour ne pas dire froid ! Je cherche un support pour me mettre en selle facilement, sans lui arracher le garrot, et nous voilà partis tous deux au pas, dans le chemin quittant le haras, au petit matin, entouré de brume et de la vapeur sortant des naseaux de mon cheval. Aujourd’hui encore je revois ces images comme si c’était hier.
Le froid saisi un peu Olivo, qui m’explique gentiment qu’il aimerait se réchauffer à plus vives allures ! Je ne lui cède pas, il sort du box et n’est pas prêt musculairement à batifoler comme il le souhaiterait. Je lui autorise d’accélérer le pas, pour mettre la « machine » en température tout doucement ! Une grande et belle allée nous conduit vers la forêt domaniale, et je l’autorise à s’exprimer sans excès dans un trot actif, car une fois dans les bois, nous ignorons la qualité du terrain que nous allons rencontrer. L’herbe dans les champs est givrée de blanc et les petites flaques sont gelées, l’air est vivifiant et je me sens bien, en harmonie avec cette nature et mon compagnon Olivo. La journée s’annonce agréablement bien !
Rapidement l’itinéraire recopié m’indique de quitter la piste principale pour longer un fossé plus ou moins humide. Je mesure la distance parcourue à l’aide de mon chronomètre, afin de savoir quand tourner. J’ai bien fait, car il n’y a plus de fossé, et les traces des deux précédents concurrents divergent de l’endroit ou je me trouve. C’est toujours un moment crucial que de se demander qui à raison ? Les autres (si oui, lequel puisque les traces ne partent pas du même endroit, ni dans la même direction !) ou moi ? J’aime après coup, ce grand moment de doute et de remise en question, propre au parcours d’orientation ! Après réflexion, je considère que Olivo à évolué régulièrement, et que notre mesure est juste. Je choisi un repère pour me diriger dans cet espèce d’espace mis boisé, mis en friche, avec plein de grandes herbes jaune pale, et beaucoup d’arbres morts couchés. Ce paysage dans la brume de ce matin d’automne, est presque fantomatique ! Mais c’est un peu trop humide au sol à mon goût, je déteste les terrains marécageux depuis toujours. J’essaie de ne pas communiquer ma peur à ma monture. Je sais que s’il doute, nous trouverons un autre chemin, car je ne prendrais pas le risque de le contraindre à avancer sur ce terrain inconnu, assez inhospitalier.
L’azimut était bon, je retombe sur un fossé, avec un talus de pierre, délimitant probablement une parcelle. Il faut longer ce talus jusqu’au bout, pour retomber sur une grande allée stabilisée. Je me heurte alors à un passage délicat, à la fois des marres assez profondes et des arbres tombés. Persuadée d’être au bon endroit et que le traceur de l’itinéraire, ne nous conduirait pas dans une zone à risque, j’avance comme je peux à pied, avec Olivo derrière moi. Et puis vraiment, je trouve cela trop compliqué, il y a une grande zone d’eau et derrière des arbres couchés, infranchissables pour un cheval. Je commence à pester, car cela fait à peine 20 minutes que je suis partie et le tracé est déjà faux… Je reviens en arrière, ce que j’ai horreur de faire, et décide de contourner la zone, pour retomber plus loin sur le fossé. Je perds beaucoup de temps, et trouve bizarre qu’aucun autre concurrent ne m’ait rejoins… Je ne suis peut être tout simplement pas au bon endroit, perdue dans cette végétation que je n’aime pas. Encore une fois le doute s’installe… Mais je m’obstine à contourner cette difficulté et rejoindre la piste du fossé que je crois être juste.
Bien m’en a pris, car peu de temps après, je trouve une balise d’orientation à poinçonner accrochée à un gros arbre, dans le fossé ! Et pas de traces fraîches d’autres chevaux, ni personne arrivant derrière moi !! Plutôt bon signe au final, si les autres ne trouvent pas le bon passage !! (Ah esprit de compétition, quand tu nous tient !!)
Je poursuis mon chemin ainsi, sur de meilleurs sentiers, jusqu’au premier poste de contrôle (validant l’arrivée par le bon chemin, et la vitesse réalisée sur cette première portion de parcours), où je suis surprise d’être la première à y arriver ! Mais où sont donc passé les camardes partis avant moi ?
Olivo et moi découvrons cette belle forêt de Rambouillet avec le soleil qui commence à faire son apparition à travers les arbres. Le circuit nous emmène à travers des landes de bruyères, puis à nouveau dans les bois dans des endroits plus dénivelés. Nous longeons et traversons des ruisseaux, le paysage est varié et plaisant. L’itinéraire à suivre ne me pose pas de problème, et nous déjouons les pièges du traceur les uns après les autres. Je passe un moment merveilleux avec mon cheval qui est joyeux et réceptif et qui semble également profiter de ce moment de partage.
J’ai perdu la notion du temps bien qu’ayant toujours un œil sur la montre, pour mesurer une distance, ou pour vérifier la régularité de notre progression par rapport à la vitesse imposée sur chaque tronçon. J’ai l’impression de faire un voyage hors du temps avec Olivo. Nous sommes presque toujours seuls tous les deux, à observer cette nature généreuse, sans être dérangés.
Plusieurs fois ce matin j’ai entendu du gibier détaler à l’approche de nos pas. Nous avons vu quelques chevreuils de ci de là. Mais cette fois-ci, personne ne s’enfuit et ils nous observent. Un magnifique cerf accompagné d’une biche, nous regardent s’avancer. Je me garde bien de dire un mot, et me contente de faire corps avec mon cheval, pour ne pas les effrayer. Ils ne paraissent pas inquiets du tout. Quel beau spectacle que de pouvoir les contempler à seulement quelques mètres de nous ! Quelle belle image je vais conserver de cette épreuve !
Plusieurs fois par la suite, nous croiserons d’autres grands gibiers. Je ne sais pas si les concurrents après moi, auront cette chance immense. Soudain, alors que je me concentrais sur ma carte pour définir à quelle distance changer de cap, je perçois du bruit dans les fougères, sur ma gauche, le long de notre chemin. Beaucoup de bruit même !! Et tout à coup, je vois un sanglier sauter par dessus la végétation, puis un second. Ils sont à peine à quelques mètres de la piste sur laquelle nous trottons, et poursuivent leur chemin, dans la même direction que nous ! Nous parcourons ainsi un bon bout de route ensemble. Peu à peu je découvre qu’ils ont l’air très nombreux sur le côté, car j’en aperçois plusieurs de temps en temps ! Olivo n’est absolument pas inquiet, semblant trouver cela naturel… lui qui à une peur bleue d’une vache ou d’un mouton !!
Tout à coup, à quelques mètres devant nous, surgit le premier sanglier qui traverse notre chemin en courant, puis un second, un troisième, etc. Olivo s’est arrêté en même temps que moi pour contempler ce spectacle extraordinaire. Il y en a des gros et des moins gros, et même des touts petits ! Sans doute que leur piste habituelle coupe notre tracé à cet endroit. Ils ne se préoccupent aucunement de notre présence si proche d’eux. C’est une joie immense que de profiter de cet instant qui ne se reproduira sans doute jamais ! J’ai eu la présence d’esprit de les compter dès le départ, nous en somme à 14, 15, et il continue d’en sortir des fougères ! C’est invraisemblable ! Au moment ou je crois que tout le monde est passé nous en sommes à 21 cochons ayant croisés notre chemin ! Et alors, trois jolis marcassins tout rayés, un peu retardataires, traversent à leur tour en grognant plus ou moins ! Émerveillés par cette rencontre, nous reprenons le cour de notre promenade
sportive dans les bois.
C’est pour tous ces moments riches en émotions que je garde un excellent souvenir de cette compétition. Tous ces instants en communion avec la nature, m’ont laissé des images intactes, malgré les années qui passent ! On peut alors vraiment dire que le TREC est une compétition ‘nature’ !
Durant toute cette épreuve de POR (Parcours d’Orientation et de Régularité), j’ai eu la sensation de ne faire qu’un avec Olivo, et c’est certainement cette fusion qui nous à permis de faire d’aussi belles rencontres, et d’apprécier pleinement les superbes instants que nous avons vécu ce jour là.
Nous étions ouverts l’un envers l’autre,
disponibles et à l’écoute de notre environnement
pour en profiter à 100%.
Merci à mon cheval Olivo d’avoir partagé tout cela avec moi !